• Pour toi (...)

    Mercredi 21 Mai 2014, 

    Pour toi (...)  

    Quand on s'est garés devant chez toi, le long du petit muret bordé de fleurs toutes aussi colorées les unes que les autres, j'ai eu un sentiment étrange. Un mélange de bonheur et de tristesse. Comme presque chaque dimanche depuis vingt-deux ans je viens te rendre visite, retrouver ce sourire qui se dessine sur ton visage dès que tu vois l'un de nous. J'adore sauter au dessus de la grosse flaque d'eau à l'entrée du garage, toujours présente, sous la pluie comme sous le soleil. En entrant, c'est l'habitude qui me guide dans l'obscurité et alors que n'importe qui se perdrait entre ton stock de savon de Marseille, ton vieux vélo et les paquets de publicité aux prix en francs, j’atteins l'escalier le sourire aux lèvres. En montant les marches, j'entends le bruit de ta chaise en bois que tu rapproches de la table, sûrement pour ranger un peu la cuisine après cet après-midi où tu as déjà eu de la visite. J'ouvre la porte et tu te retournes, la main encore dans le placard à ranger ta boîte de sucre. Tu es là, face à moi, tu me souries, heureuse de me voir accompagnée du reste de la famille. En nous embrassant, tu nous transmets cette sérénité qui fait que l'on se sent toujours bien chez toi.

    Et hop, tu ressors tout. Les tasses, les verres et assiettes valsent sur la table. Crêpes sucrées, biscuits et Far aux pruneaux les rejoignent illico. La cafetière reprend du service et toi, tu racontes. Blandine, la voisine est rentrée de l'hôpital ; Daniel et Hortense sont venus te voir ; Tu as été à la messe hier ; La famille Moignon est en vacances ici pour 15 jours ; Tu as perdue ton chat ; " Et mon far, il est bon ? Je l'ai trop cuit je crois. " On écoute avec attention les nouvelles, et moi je te regarde heureuse de voir que tu es toujours si pleine de vie.

    En face de moi, le mur qui donne sur le salon, avec plusieurs dessins fait de nos mains de petits-enfants accrochés ça et là. Les couleurs sont passées, les rayons de soleil qui traversent la fenêtre de la cuisine y sont pour quelque chose. Et pourtant, ces dessins ravivent en moi tout ce bonheur de partager des moments avec toi. Ces dessins ne sont que rire et joie de vivre. Ce sont tous ces matins d'école d'abord où encore ensommeillés, on nous dépose chez toi et où l'on regarde les dessins animés jusqu'à ce que tu nous conduise en classe. Ce sont tous les retours le soir, avec Nono en poussette sur la petite route qui nous conduit jusque chez toi. Ce sont d'énormes goûter Brioche/Confiture de Fraise et Myrtilles ou Crêpes Sucrées et Céréales Nesquick. Ce sont des journées entières à jouer dans l'abri de jardin avec de l'eau, des fleurs, de vieux bocaux. Ce sont des soirées à regarder les vaches "défiler" quand elles vont se faire traire. C'est se rendre compte qu'on aime la soupe, mais seulement la tienne. C'est rire à jouer au docteur dans la chambre du fond. C'est vouloir dormir chez toi à chaque vacances. C'est jouer dans la crêperie l'hiver quand il pleut. C'est se déguiser avec de vieux habits du grenier. C'est être émerveillé devant la pile de cadeaux au pied du sapin le 25 Décembre. C'est savoir que Choko est le plus heureux des chiens quand tu le gardes pendant notre absence.

    Quand je reviens à moi, tu t'es assise en face de nous et ton regard balaye la table, absent. Alors la tristesse ressentie à l'arrivée me revient. Parce que depuis 1933, de l'eau a coulée sous les ponts et que les années ont creusées sur ta peau de fines empreintes. Parce que pendant longtemps j'ai cru à tort que la vieillesse t'épargnerait. Mais, depuis quelques temps je ne pas ignorer que tu oublies un peu plus, que tu entends un peu moins, que tu vois très mal. Triste, je suis triste de me dire que j'ai face à moi la preuve que la vie n'épargne personne, pas même la meilleure de toutes les crêpières.

    Tu relèves alors les yeux vers moi, et je n'ai plus qu'une certitude. Profiter de toi encore et encore. Voler à la vie le plus de temps possible à tes côtés.


  • Commentaires

    1
    ninis2204
    Jeudi 22 Mai 2014 à 07:31

    Ton texte est magnifique.

    Si vrai, si simple. On peut tous s'y retrouver, je pense.

    Et ça me rappelle les bons moments passés avec ma grand-mère, qui est partie il y a tout juste deux ans.

    Elle me manque terriblement.

    Profite bien de ta mamie à 200%, ce sont des moments précieux à ne pas négliger.

     

     

    2
    Jeudi 22 Mai 2014 à 10:22

    Merci. Tu peux être sûre que je compte bien en profiter !

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